Gestion Hygiénique des Menstrues en milieux scolaires : Un sujet toujours tabou dans certaines écoles franco-arabe
Au Burkina Faso, si le combat en faveur des Droits en santé sexuelle et reproductives notamment celui sur la Gestion Hygiénique des Menstrues connaît des avancées en milieux scolaires francophones, le même sujet demeure toujours un tabou en milieux scolaires arabophones où ni élèves, ni professeurs, ni premiers responsables ne veut s’y prononcer. Le constat donne l’impression que chacun dans ces milieux protège sa tête face à ces types de sujets.
Ce constat est fait par le journal en ligne « Globinfos » courant février 2024, dans quelques établissements arabophones, dont le Lycée privé « RIDOUANE », le Collège « EL BAYANE », à « Umul Haire », et auprès de certaines structures et centres de formations arabophones dans la ville de Ouagadougou.
« Votre sujet est pertinent, mais ici les gens ne vont jamais accepter parler », nous a confier une consœur membre d’une structure arabophone.
C’est à « Umul Haire », une école Bilingue arabophone mixte située à Saonré un quartier périphérique au secteur N⁰7 de Ouagadougou, que son responsable, Kafando Idrissa alias Moalim et son personnel ont accepté échanger avec l’équipe.
Selon lui, avec un effectif total de 172 élèves, soit environ 70 filles et 8 enseignants pour un début, les difficultés sont énormes sur le volet hygiène l’école ne compte que deux toilettes pour tout ce beau monde.
« Avec nos deux (2) toilettes, c’est certes une longue file d’attente pour nous soulager, mais s’il plaît à Dieu nous envisageons les multiplier. Malgré tout cela, l’hygiène ou la propriété est de mise ici. Nous avions établi une norme d’usage et chaque jour les élèves les nettoient. S’il y avait les moyens d’avoir au moins cinq toilettes, cela allait nous faire plaisir », a décrit Mme Tiemtoré, enseignante de la langue française à « Umul Haire ».
Elle ajouta ceci : « Chez moi à la maison, j’en ai parlé à ma fille. Le jour que tu vas te sentir que tu as mal au bas-ventre explique moi. Les conseils que je donne à ma fille et à mes élèves, je ne les ai pas obtenus en son temps avec ma maman. À mon avis, que tu sois mère ou institutrice personne ne doit faire de ce sujet, un tabou, quel que soit ton bord religieux ».
Cet avis est partagé avec sa collègue Mme Nabaloum, mais avec une petite nuance. « Chez nous les mossés là, ce n’est toujours pas simple, mais moi à mon niveau, j’ai eu l’exception d’avoir des explications avec ma maman et l’école est venue compléter. » , a-t-elle confié.
« Créée en 2021, nous ambitionnons ériger notre école en centre de formation professionnelle de métiers afin de favoriser l’insertion socioprofessionnelle de nos élèves. Nous prônons tout ce qui est l’enseignement pour le familiale et nous souhaitons l’aide à toute bonne volonté qui voudrait bien nous tendre la main pour l’amélioration de ce cadre d’apprentissage au grand bonheur de nos futurs leaders… » , a souhaité Moalim, le fondateur de l’école « Umul Haire ».
Plus tard une des élèves de Moalim le fondateur de l’école « Umul Haire » confie ceci à l’équipe : « Les échanges autour du sexe demeurent jusque-là, des sujets tabous dans cette communauté. Ces sujets sont très rarement abordés avec nos institutrices, mais jamais avec nos instituteurs. Par exemple, Moalim nous donne souvent les cours à la mosquée, mais cela se limite strictement sur la foi et la religion. Parlant de la gestion des menstrues ici, quand tu es en période de menstrues, il t’est interdit de venir à la mosquée durant cette période ».
Ces résultats ont conduit les journalistes de « Globinfos » auprès de M. Yonli Miyemba, un expert à Onid’s une ONG qui se bat depuis belle lurette pour la Gestion Hygiénique des Menstrues où il est responsable de ces questions inclus dans le volet Droits en santé sexuelle et reproductive (DSSR) pour mieux comprendre.
Vu la complexité du sujet, l’expert Yonli Miyemba, ce responsable/Onid’s chargé des questions Gestion Hygiénique des Menstrues a préféré un avis général que voici : « La Gestion Hygiénique des Menstrues/Santé et l’Hygiène Menstruelle des filles à l’école ou en famille est considérées en Afrique et au Burkina Faso comme un « sujet tabou ». Sujet sensible, elle touche plus de 50 % de la population mondiale directement et le reste indirectement. Les programmes d’enseignement l’abordent assez tardivement. Près de 335 millions de filles scolarisées dans des établissements scolaires à travers le monde ne disposent pas d’eau et de savon pour se laver les mains après avoir changé leur matériel de protection (JMP, 2018). Spécifiquement, au Burkina Faso, les règles sont l’objet de perceptions socio-culturelles négatives. La menstruation est perçue comme un tabou et un mythe. Ces pratiques culturelles sont discriminatoires et rendent difficile le maintien des femmes et des filles à une bonne hygiène. Il est encore plus difficile pour les filles de gérer convenablement leurs menstrues à l’école. À cela s’ajoute, la non prise en compte de la gestion hygiénique des menstrues dans les politiques de développement ; le manque d’infrastructures adaptées aux besoins des filles dans les établissements scolaires ; le manque d’eau potable et de mécanisme d’élimination des déchets ; le manque de produits sanitaires ; le manque de toilettes sûres et adaptées, le manque de lieux dédiés au séchage ; le manque d’informations sur la GHM et surtout les coûts élevés des serviettes hygiéniques ».
« Dès lors, la problématique de la SHM connaît une expansion plus ou moins importante au regard des acteurs et structures qui s’y intéressent. Mais, la nécessité de la promotion de la SHM en milieu scolaire est évidente et s’impose de nos jours. Par exemple, les résultats de la première recherche (UNICEF 2013) au Burkina Faso conjointement avec le Niger montre 83 % des filles n’ont pas la possibilité de changer leurs serviettes hygiéniques à l’école et 21 % s’absentent de l’école. Parmi ces filles confrontées à des difficultés de gestion de leurs menstrues, très peu ont des connaissances sur les règles dues aux difficultés d’acquisition de l’information sur le sujet. Aussi, l’environnement scolaire et les infrastructures Eau Hygiène et Assainissement (EHA) des écoles sont inadéquats/inadaptés (absence de latrines séparées, des latrines mal entretenues et pas d’eau de nettoyage, pas de matériel de protection, pas de savon). Ces différents éléments causent de nombreuses absences des filles en classe et des faibles performances et abandon scolaire.» , a détaillé, Miyemba Yonli.
Ainsi pour lui, il y a donc nécessité que des actions suivantes soit recommandées dans l’urgence. Il s’agit notamment de : «
– L’élaboration et reproduction des outils de communication sur la GHM au profit des acteurs de l’éducation (Affiches, livret GHM, guide des actions SHM, module de formation en SHM, etc.
– L’organisation des sessions de sensibilisation et plaidoyer à travers la diffusion des résultats de la recherche.
– La mise en œuvre de projets de promotion de SHM avec les partenaires (ONG, OSC, PTF, UNICEF, etc.) », a-t-il proposé.
Mahomed7 ✍🏼