« Dialectométrie des parlers du zaoore au Burkina Faso : analyse des ressemblances et de différences selon les localités »
Tiga Alain OUEDRAOGO, Institut des Sciences des Sociétés (INSS) /Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), Burkina Faso, Email : alainoued1@yahoo.fr
SOUBEIGA Noellie, Université Joseph Ki Zerbo, nsoubei a@ mail.com
Introduction
Les chercheurs ont utilisé des méthodes quantitatives pour analyser les différences et les similitudes entre les différents parlers du zaoré. En transformant les données linguistiques en données numériques, ils ont pu dans un premier temps mesurer les distances linguistiques. Cela permet de déterminer à quel point deux parlers sont proches ou éloignés l’un de l’autre.
L’objectif principal de cette étude était de construire un schéma hiérarchique du zaooré. Cela signifie représenter les relations ressemblances et de différences entre les différents parlers, en montrant lesquels sont plus proches et lesquels sont plus éloignés.
2. Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, la collecte des données s’est faite en deux phases à savoir la recherche documentaire et les enquêtes sur le terrain à l’aide d’un questionnaire préétabli conçu en s’inspirant de Bouquiaux et Thomas (1987) et de celui proposé par les linguistes du Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) du Burkina Faso. Ces mots ont été classés par rubriques : les parties du corps humain, les relations familiales, métiers/occupations, animaux/insectes, comestibles, numération, qualificatifs, verbes et les mots divers pour faciliter l’analyse. La transcription des données enregistrées pendant la collecte ensuite la vérification furent faites avant l’analyse. La transcription d’un corpus de 756 mots par localité s’est faite suivant une notation phonique large qui impose l’utilisation des symboles de l’A.P.I. (Alphabet Phonétique International) tout en respectant le principe de la transcription phonétique et en notant les tons.
Résultats
Pour calculer le pourcentage de ressemblance ou de différence d’un mot entre deux localités, on oppose les formes du singulier et du pluriel (si elles existent) de ces mots des dites localités. Les formes du singulier sont opposées entre elles et celles du pluriel entre elles en tenant compte de la structure du mot dans les oppositions.
Pour le singulier par exemple, il faut compter le nombre total d’éléments en présence (les segments et les tons) et le nombre total d’éléments identiques dans les formes opposées. Ce nombre d’éléments identiques est multiplié par cent (100) et le résultat divisé par le nombre total d’éléments en présence. La même opération est faite pour le pluriel. La somme des résultats pour le singulier et le pluriel est divisée par deux pour obtenir le pourcentage de ressemblance ou de différence.
Selon Goebl (1981 :341), on calcule les pourcentages des formes différentes et des formes identiques à partir des formules de calcul suivantes :
ND x 100 PD = pourcentage de différences
PD = ———— ND = nombre de différences
ND + NR NR = nombre de ressemblances
NR x 100 PR = pourcentage de ressemblances
PR = ———— ND = nombre de différences
ND + NR NR = nombre de ressemblances
Pour calculer le pourcentage de différences de la notion de « femme » par exemple, on oppose le même nom au singulier et au pluriel des deux localités différentes.
Exemple1
Singulier Pluriel
Diabo : pwáɣá pwágbá
Gunghen : pwáɁá pwáɁbá
Pour le singulier il y a douze (12) éléments en présence dont 8 segments et 4 tons identiques. En opposant ces éléments dans les mêmes contextes, deux seulement sont différents (ɣ et Ɂ)
Le pourcentage de différence pour les formes du singulier est égal à 100 multiplié par 2 et le résultat divisé par 12.
100 X 2
PD = …………………… = 16,666 %
12
Le résultat obtenu montre qu’il existe une différence entre le parler de Diabo et celui de Gunghen pour ce qui est du substantif femme au singulier. Pour le pluriel, le même procédé de calcul est utilisé et on obtient ce qui suit :
Pour le substantif « femmes » il y a quatorze (14) éléments présents dont 10 segments et 4 tons identiques. Là aussi 2 éléments sont différents (g et Ɂ). Le pourcentage de différence est égal à 100 multiplié par 2 et le résultat divisé par 14.
100 X 2
PD = ……………………… = 14 ,285 %
14
En définitive, le PD de la notion « femme » à Diabo et à Gunghen est égal à :
16,66 % + 14,285%
…………………………………… = 15,475 %
2
Le pourcentage de différence (PD) et le pourcentage de ressemblance (PR) sont complémentaires. Par conséquent PD + PR = 100. De cette relation, connaissant le pourcentage de différences, on peut déduire le pourcentage de ressemblances en faisant :
PR = 100 – PD
Pour les exemples précédents, le pourcentage de ressemblances PR du terme « femme » au singulier est 100 – 16,666) = 83,334 ; au pluriel, il est égal à (100 – 14,285) = 85,715.
Le pourcentage de ressemblance (PR) de la notion « femme » entre Diabo et Gunghen est donc égal à (100 – 15,475) = 84,525
Pour les pourcentages de différences et de ressemblances des différents points, on s’est référé aux cent mots choisis dans le corpus et calculé en suivant les exemples ci-dessus (données dialectométriques).
Conclusion
En somme, cette étude a permis la transformation des différences ou des ressemblances dialectales observées en données numériques. Il a été procédé à la comparaison des formes obtenues par bipoint. Ce qui a permis e calculer les pourcentages de formes différentes en partant du principe que la différence et la ressemblance sont complémentaires. Des calculs des coefficients de proximité et de distance linguistique ont servi à l’élaboration les matrices. Ces matrices ont permis à leur tour de calculer les moyennes de proximité et de distance linguistique afin d’obtenir les indices linguistiques qui ont servi dans la hiérarchisation des points de l’espace dialectal.
Cette hiérarchisation faite ici se fonde sur deux types de données : la distance linguistique et la proximité linguistique. La démarche dans les deux cas permet d’obtenir un schéma hiérarchique inverse l’un de l’autre à cause de cette relation de complémentarité entre la proximité et la distance linguistique.
Références bibliographiques
BOUQUIAUX (Luc) et M.C. THOMAS (Jacqueline), 1987, Enquête et description des langues à tradition orale. Tome II Approche linguistique (questionnaire grammaticale et phrases), 2e édition revue et augmentée, Paris, CNRS, SELAF, 566 p.
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NIADA, (T). 1993. Esquisse phonologique du Joorè (Parler de Diabo). Mémoire de maîtrise, Université de Ouagadougou, (FLASHS), département de linguistique.
Ce document de vulgarisation tiré d’un article scientifique des auteurs OUEDRAOGO Tiga Alain et SOUBEIGA Noellie (2021), « Dialectométrie des parlers du zaoore au Burkina Faso » FOLOFOLO : Revue des sciences humaines et des civilisations africaines, N°Décembre 2021 : 161-178